Contribution
de l'Afim au débat national sur les risques industriels
[
Dossier AZF ]
A
l'attention de Monsieur Philippe Essig
Mission Débat national sur les risques industriels
Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement
Paris, le 3 décembre 2001
Monsieur
le Chargé de Mission,
En
tant que président de l'association française des ingénieurs
et responsables de maintenance, et dans le cadre du débat national
sur les risques industriels qui s'instaure, je tiens à vous faire
part des propositions des 1600 responsables de maintenance que je représente.
Ces
propositions concernent la mise en place :
d'un Comité du patrimoine et des risques dans chaque établissement
concerné par les directives Seveso ;
d'une Commission des risques patrimoniaux recouvrant le territoire
géographique de l'influence des établissements Seveso
sur l'environnement ;
de la fusion des principales normes et documents d'usage plus
catégoriels, régionaux ou internationaux, tels que ISO
9001 ou 14000, International Safety Rating System (ISRS), MASE, etc.
en un texte unique (ou à défaut en un minimum de textes).
Ce document aura vocation à traiter des exigences requises dans
les domaines : qualité, sécurité, environnement
(QSE) ;
de l'identification des activités sur les déclarations
d'accident du travail ;
de la mise en place de groupes de médecins du travail
spécialisés dans les activités de maintenance et
d'inspection et de l'adaptation des examens médicaux ;
de la réalisation, établissement par établissement,
de fiches d'intervention sur les matériels définissant
les risques réels en situation de maintenance ;
de la mise en place urgente de formations aux risques pour les
ouvriers de niveau CAP et BEP qui sont les principales victimes des
accidents du travail et des maladies professionnelles ;
de la formation aux risques, à l'hygiène et à
la sécurité et aux conditions de travail des managers
et des personnes en charge de l'exploitation, de l'inspection et de
la maintenance.
Je
vous prie d'agréer, Monsieur le Conseiller, l'expression de mes
salutations distinguées.
Claude
Pichot
Président de l'Afim
Contexte
économique et social
Selon
les prévisions issues de plus de 12 ans d'analyse économique
et sociale des marchés de la maintenance réalisée
dans le cadre de l'Observatoire de la maintenance industrielle, les effectifs
internes de maintenance des entreprises de production tomberont en 2006
à 60 000 personnes contre 170 000 pour les prestataires, soit
une proportion inverse à celle de 1996. Nous assistons ainsi
à un développement de l'externalisation de la maintenance
qui amènera les exploitants du secteur industriel à ne
plus être que des coordonnateurs d'activités de maintenance.
Celles-ci seront en effet, d'ici à 2006, réalisées
majoritairement par des entreprises prestataires de service, et ce dans
un contexte de baisse continue des dépenses de maintenance depuis
1994 (3 % du CA de l'industrie en 2001 contre 4,2 % en 1994). Dans cette
même période, les dépenses de maintenance auront
baissé de 10 milliards de francs, alors que le chiffre d'affaires
de l'industrie se sera accru de 1 000 milliards de francs.
C'est parce que l'Afim est convaincue que ce changement de fond bouleverse
les pratiques, qu'elle a engagé depuis de nombreuses années
une réflexion sur l'hygiène, la sécurité
et les conditions de travail en maintenance. Depuis le début
de l'année 2000, avec l'appui du Fact et de 8 prestataires de
service en maintenance de la région Paca, l'Afim s'est mise en
capacité de fournir des données dans le domaine de l'hygiène,
la sécurité et les conditions de travail, domaine qui
ne faisait jusqu'alors l'objet d'aucune statistique.
Préoccupations
en matière d'hygiène, de sécurité et de
conditions de travail
Quelques
résultats de l'étude menée avec le Fact font en
particulier ressortir les éléments suivants :
Sur environ 10 millions d'heures travaillées, le taux
de fréquence des accidents avec arrêt est supérieur
à 18 en moyenne, mais révèle des métiers
particulièrement exposés (monteur, tuyauteur, chaudronnier,
soudeur) pour lesquels les taux de fréquence dépassent
70. Pour ce qui concerne les salariés de l'intérim, les
taux de fréquence par métier dépassent 350 et atteignent
plus de 1 000 pour certains d'entre eux.
Concernant la gravité des accidents : la durée
moyenne des incapacités temporaires (IT) sur une période
de 5 ans est de l'ordre de 54 jours, cette durée se révélant
bien plus élevée que dans la métallurgie ou le
BTP.
Concernant les maladies professionnelles identifiées sur
un panel d'environ 1 000 salariés, il ressort que les activités
de maintenance génèrent 10 fois plus de maladies professionnelles
(pour 1 000 salariés) que la moyenne observée pour les
salariés de la Cram Marseille et 8 fois plus que la moyenne nationale.
Les trois maladies professionnelles les plus fréquentes
pour les salariés de maintenance du panel sont dues principalement
à l'amiante, au benzène et au bruit. Pour chacune de ces
maladies professionnelles, le nombre de salariés affectés
pour 1 000 est respectivement de 7,2 fois la moyenne des salariés
de la Cram Marseille pour l'amiante, 180 pour le benzène, et
15 pour le bruit.
La surveillance médicale spéciale des salariés
exposés aux produits mutagènes ou cancérogènes
a révélé la situation suivante : alors que les
20 salariés concernés par les maladies professionnelles
ont une ancienneté supérieure à 22 ans, 1 seul
d'entre eux fait l'objet d'une surveillance médicale spéciale,
laquelle s'est révélée sans rapport avec la maladie
professionnelle qui l'affecte.
Sur certains sites industriels sur lesquels des salariés
sont présents depuis plus de 12 ans et potentiellement exposés
au benzène, il a été observé que la surveillance
médicale spécifique n'avait été mise en
place que récemment (moins de 2 ans) pour un très grand
nombre de salariés.
En terme de coûts, le surcoût accidents du travail
pour les entreprises prestataires de maintenance représente plus
de 5 % de la masse salariale. L'impact au niveau national dépasse
1 % des dépenses annuelles de maintenance (qui atteint 155 milliards
de FF dans l'industrie).
En terme d'information, il a été révélé
la faiblesse de la documentation technique à jour permettant
de réaliser des interventions de maintenance en toute connaissance
des risques.
En terme de formation : alors que les ouvriers sont les plus
exposés aux accidents, ils ne reçoivent au cours de leur
cursus de formation CAP et BEP (plus de 80 % des effectifs) aucune formation
à l'hygiène-sécurité-conditions de travail,
donc aux risques, et ce contrairement aux populations de formation BTS
et DUT maintenance qui bénéficient de formations spécifiques
aux risques.
L'absence de formation des ingénieurs, des managers ou
des médecins du travail à l'hygiène-sécurité-conditions
de travail en maintenance fait partie des constats.
La mise en évidence d'un déficit de compétence
technique (employeurs, CHSCT, responsables opérationnels d'entreprises,
médecins
) sur les risques spécifiques liés
aux activités de maintenance, amenant dans certains cas, des
confusions graves en matière d'appréciation des risques.
Pour
les entreprises industrielles relevant des directives Seveso, l'Afim
propose à partir de l'observation de ces faits :
1.
Que les actionnaires de ces entreprises aient l'obligation de constituer,
établissement par établissement, un Comité du patrimoine
et des risques composé de responsables de la production, de la
maintenance, de l'inspection, du personnel, de la sécurité,
de l'environnement, de la qualité, de délégués
du CHSCT, de représentants des entreprises de maintenance externes,
de représentants de l'administration et des collectivités
(Dreal, Ineris, Cram, DRTEFP, inspection du travail, médecine
du travail, élus
) et des compagnies d'assurances. La présence
de ceux-ci au sein du Comité du patrimoine et des risques pourrait
déboucher sur une co-responsabilisation de l'ensemble des acteurs
en cas d'accident, donc de la répartition de la prise en charge
de ses conséquences entre l'entreprise, les assureurs et l'Etat.
La non acceptation de la présence des représentants de
l'administration et des collectivités au sein du Comité
exonérerait l'Etat de toute responsabilité en cas d'accident
sur les sites concernés. Les membres du Comité disposent
du pouvoir de décision et chaque membre du Comité engage
sa responsabilité dans l'approbation des plans d'action techniques
et budgétaires qui lui sont soumis. Le Comité du patrimoine
et des risques, qui ne se substitue pas aux instances existantes de
l'entreprise en matière d'hygiène, sécurité
et conditions de travail, a pour mission d'établir, de coordonner
et de rendre publiques les actions menées.
2.
Que le Comité du patrimoine et des risques désigne, établissement
par établissement, le Responsable du patrimoine et des risques,
responsable aux plans civil et pénal. Cette personne, qui préside
le Comité, dispose de l'autorité, de la compétence
et des budgets nécessaires à la mise en uvre des
actions suivantes :
Le suivi, la mise à jour et la conservation des patrimoines
documentaires (plans, notices, schémas
) ;
L'inventaire exhaustif des risques et de leurs conséquences
(en exploitation normale, en situation incidentelle, en situation de
démarrage ou d'arrêt, en situation d'arrêt partiel
ou total pour maintenance) et la mise en évidence des équipements
et matériels critiques pour la sécurité des personnes,
des biens et de l'environnement ;
La justification risque par risque de l'ampleur des conséquences,
quelle que soit la probabilité d'occurrence du risque, à
l'opposé de la pratique actuelle qui amène à éliminer
l'étude des conséquences des risques dont la probabilité
d'occurrence est jugée trop faible ;
L'obligation de déterminer et de justifier, selon des
méthodes définies, des plans d'inspection des matériels
et des installations critiques ;
L'obligation de déterminer et de justifier, selon des
méthodes définies, des plans de maintenance pour les équipements
critiques et d'établir, matériel par matériel,
les fiches de risques spécifiques aux activités de maintenance
(risques liés aux produits véhiculés et stockés
par les matériels) ;
L'obligation de définir la surveillance médicale
spéciale à laquelle doivent être soumis les salariés
qui interviennent directement sur les matériels (en fonction
notamment des produits véhiculés et stockés par
ces matériels) ;
L'obligation de spécialisation de médecins du travail
aux activités de maintenance, établissement par établissement
;
L'obligation de présenter un bilan détaillé
des effets sur les conditions de travail et la santé (accidents
du travail, maladies professionnelles) et de mettre en uvre une
politique d'amélioration des conditions de travail et de la santé
faisant l'objet d'une dotation budgétaire spécifique sous
l'autorité du CHSCT.
L'ensemble de ces actions doit être mesurable au travers de documents
de synthèse permettant de mettre en relief les plans d'inspection
et de maintenance, les plans de surveillance de la santé des
personnels intervenants. Il appartient au Comité du patrimoine
et des risques d'établir ces plans à court, moyen et long
termes, et d'affecter les budgets correspondants année par année
et action par action. Les documents correspondants doivent être
d'ordre public et faire l'objet d'une approbation par les mandataires
sociaux et les actionnaires. Leur contenu doit traiter les points suivants
:
L'obligation de définir les budgets à allouer à
chacune des tâches précédemment décrites
et d'en justifier les variations en cas de non respect des prévisions
;
L'obligation de prouver la mise à jour effective de la
documentation et la compétence des personnels qui y sont affectés
;
L'obligation de prouver la réalité des inspections
effectuées et de l'analyse des résultats d'inspection
en termes de politique de maintenance à court terme ou de réparation
;
L'obligation de prouver la mise en uvre des réparations
après inspection d'installations défectueuses par les
organismes d'inspection agréés ;
L'obligation de prouver la réalité de l'exécution
de la maintenance préventive ;
L'obligation d'enregistrer tous les événements
liés à la maintenance corrective et de produire les analyses
en matière de risque lors de la réalisation de ces interventions
;
L'obligation de la vérification des compétences
individuelles des personnes affectées à la détermination
et à la réalisation des inspections, des tâches
de maintenance et des tâches de réparation. Cette vérification
devant porter sur la connaissance technique des procédés,
des matériels et installations mis en uvre, la compréhension
des risques, la connaissance des effets sur la santé des produits
présents dans les procédés. Cette vérification
doit être faite préalablement à toute prise de poste
et renouvelée tous les 3 ans. Elle est soumise à un contrôle
externe (comités d'experts, universités, écoles
d'ingénieurs
) ;
L'obligation de former les membres des CHSCT aux procédés,
aux installations et aux matériels mis en uvre, ainsi qu'aux
risques et aux conséquences en matière d'hygiène,
de sécurité et de conditions de travail. La consistance
des programmes de formation et de leur durée doit être
établie. La pertinence de ces formations doit être soumise
à une validation externe (comités d'experts, universités,
écoles d'ingénieurs
). Un contrôle des connaissances
acquises doit être effectué à la prise de poste
et renouvelé au moins tous les 3 ans ;
L'obligation d'informer les prestataires de maintenance et de
mettre à leur disposition la documentation technique, les plans
d'inspection, les programmes et gammes de maintenance, les historiques
d'inspection et de maintenance, les analyses de risques, etc., ces documents
devant leur être adressés, à jour, préalablement
à toute intervention ;
L'obligation de former les prestataires de maintenance aux procédés,
aux installations et aux matériels sur lesquels ils sont amenés
à intervenir au titre des contrats, ainsi qu'aux risques et aux
conséquences en matière d'hygiène, de sécurité
et de conditions de travail. La consistance des programmes de formation
et de leur durée doit être établie. La pertinence
de ces formations doit être soumise à une validation externe
(comités d'experts, universités, écoles d'ingénieurs
).
Un contrôle des connaissances acquises doit être effectué
à la prise de poste et renouvelé au moins tous les 3 ans.
Ce dispositif propre aux entreprises doit être transparent et
la validité des conclusions tirées par les Comités
du patrimoine et des risques doit pouvoir être remise en cause
en termes d'hypothèse de calcul, de méthodes d'inspection
et de maintenance, d'impact sur la santé et sur l'environnement,
de mesurage des dommages potentiels, du suivi de l'évolution
des paramètres significatifs.
3.
Que cette transparence soit organisée au travers d'une Commission
des risques patrimoniaux :
constituée géographiquement sur le périmètre
de l'impact des sites relevant des directives Seveso ;
placée sous l'autorité d'un Commissaire aux risques
patrimoniaux désigné par les ministères de tutelle
;
composée des maires des communes situées sur le
périmètre de l'impact des sites relevant des directives
Seveso, des conseillers généraux et régionaux,
députés et sénateurs élus du territoire
concerné, des préfets et des représentants des
services déconcentrés de l'Etat, des représentants
de l'éducation (collèges, lycées, écoles
d'ingénieurs, universités
), des représentants
des organisations patronales et syndicales, des représentants
des associations professionnelles (Afim, Afite, sécurité
)
et de consommateurs, des représentants d'organisations de parents
d'élèves, de membres de la presse ;
Deux fois par an, cette Commission des risques patrimoniaux se voit
présenter les plans, budgets et résultats établis
par les Comités du patrimoine et des risques des établissements
concernés. Elle a la capacité de déclencher des
audits détaillés des établissements concernés,
ces audits étant réalisés par l'Ineris, les Dreal
ou toute instance qu'elle mandaterait sous l'autorité du Commissaire
aux risques. Elle dispose de la capacité de recourir à
des experts pour la remise en cause des analyses de risques, des programmes
d'inspection, de maintenance et de surveillance de l'environnement et
de la santé. Elle met en place les moyens de formation et d'information
de l'ensemble de ses membres. Elle dispose d'un budget d'intervention
à la hauteur des missions qui lui sont confiées. Chaque
participant a l'obligation de faire connaître à l'entité
à laquelle il appartient les conclusions des rapports qui lui
sont présentés. Pour sa part, l'Afim propose de rendre
visible les conclusions de ses travaux dans chacune des régions
concernées au travers du portail du Réseau maintenance®
et de se faire l'écho régulier des travaux de la Commission
des risques patrimoniaux par les moyens d'information dont elle dispose.
Les participants à la Commission des risques patrimoniaux, au
titre de leur participation effective et attestée par le Commissaire
aux risques patrimoniaux, bénéficient d'un crédit
d'impôts proportionnel au nombre de journées effectivement
consacrées dès lors que la prise en charge de leur rémunération
et de leurs frais de déplacement ne peut être effectuée
par les entités auxquelles ils appartiennent.
4.
Que les référentiels en matière de qualité,
de sécurité et d'environnement soient fusionnés
pour constituer un référentiel unique applicable à
toutes les activités de type SEVESO ;
5.
Que l'Education nationale développe dès la rentrée
2002 des formations aux risques, à l'hygiène, à
la sécurité et aux conditions de travail pour les filières
CAP et BEP des métiers de la mécanique, chaudronnerie,
soudure, électricité, instrumentation, analyseur. L'Afim
étant prête à mobiliser son réseau pour faciliter
ces formations ;
6.
Que l'Education nationale développe dans toutes les écoles
d'ingénieurs à vocation industrielle des formations aux
risques, à l'hygiène, à la sécurité
et les conditions de travail ;
7.
Que soient développées des actions de formation aux risques,
à l'hygiène, à la sécurité et les
conditions de travail en direction des managers, ingénieurs et
techniciens en charge de l'exploitation, de l'inspection et de la maintenance
des patrimoines concernés (qu'ils appartiennent aux entreprises
utilisatrices ou intervenantes) ;
8.
Que soient établies établissement par établissement,
matériel par matériel la liste des risques auxquels sont
exposés les intervenants de maintenance et que ces documents
soient d'ordre public professionnel. l'Afim pouvant par le relais du
portail du Réseau maintenance®, mettre en vue pour tous le
résultat de ces actions ;
9.
Que soit lancée une action d'amélioration des conditions
de travail en direction des salariés concernés par les
activités de maintenance ;
10.
Que les activités exercées par les salariés soient
identifiées sur les déclarations d'accident du travail
;
11.
Que le dispositif de surveillance médicale spéciale et
les examens de surveillance soient adaptés aux activités
réelles des salariés de maintenance (salariés poly-exposés)
;
12.
Que sous l'égide de l'inspection médicale se développe
des groupes de médecins spécialisés dans le suivi
de la santé des salariés affectés aux activités
de maintenance.
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