Susciter
des vocations pour alimenter la filière de formation en maintenance
Si
" Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ",
Patrimoine sans maintenance n'est que ruine en devenir. Quand plus de
42 milliards d'Euro par an sont dédiés au maintien en
état des patrimoines industriels, tertiaires et immobiliers,
quand plus de 420 000 emplois sont concernés, l'existence et
le développement de la formation à la maintenance doivent
être gravés dans les tables de la formation initiale. Cependant,
la tentation de ne pas le faire est forte.
A
quoi bon réparer ? Certains rêvent de machines qu'on jette
à la première panne. D'autres à la limitation calculée
de leur durée de vie. Et pourquoi pas nos véhicules, nos
logements jetables après nos téléphones portables
! D'autres encore nous préparent des équipements dont
nous ne serons jamais propriétaires, seulement des locataires
obligés. L'économie des dépenses de maintenance
qui représentent sur la durée de vie des patrimoines autant
que leur valeur d'acquisition serait convertie en marché de renouvellement
au profit de ceux qui les fabriquent. C'est le rêve de tout industriel
que de rendre ses clients addictifs. Dans ce modèle, aucun marché
ne s'essouffle, seules les ressources non renouvelables disparaissent
définitivement ! Nous pourrions ainsi fermer les sections d'enseignement
technologique et les remplacer par l'enseignement du marchandisage.
Ce modèle est bon pour le commerce, mais pas pour les utilisateurs
!
Des
économistes, des juristes, des financiers, des journalistes,
des marchandiseurs, des politiques, etc. affirment encore que la formation
technologique avec des machines est une gabegie. Selon eux, la connaissance
technologique peut s'acquérir sans machines, on peut tourner
sans tour, on pourrait même apprendre à faire du vélo
sans bicyclette
Mais
sont-ils prêts à assumer les conséquences de leurs
assertions et de la dématérialisation des formations?
Les
métiers technologiques de maintenance qui exigent des têtes
bien faites et des mains habiles seraient de peu d'utilité, manqueraient
d'attractivité, ne s'adresseraient qu'aux moins doués
et coûteraient cher à enseigner. Il est donc légitime
de s'interroger sur leur maintien.
Mais
il suffit d'une seule journée sans remédier aux pannes
pour paralyser un pays ! D'un seul manquement à un programme
de maintenance pour qu'un train déraille et fasse des victimes
ou que l'attache d'un vérin à câbles ne jette à
terre un générateur de vapeur ou qu'un hélicoptère
ne s'écrase en mer...
Quelle
que soit la provenance des technologies que nous utilisons, leurs performances
et la sûreté de fonctionnement dépendent de la maîtrise
de leur maintenance. Sans ouvriers, sans techniciens, sans ingénieurs
et sans formations technologiques de qualité, pas de maintenance,
pas de maintien en état durable, pas de remise en état
et pas d'innovation...
La
filière d'enseignement à la maintenance, depuis la formation
des ouvriers qui représentent 80% des effectifs jusqu'aux ingénieurs
est donc essentielle à l'économie, comme celles de la
littérature, des mathématiques et des sciences, du droit
et de la médecine. Nos amis allemands ont compris que la formation
professionnelle des jeunes est la base de la prospérité
d'une nation !
Ceux
qui prônent la suppression de l'enseignement de l'ajustage, de
l'usinage, du soudage, du câblage, du formage, du mesurage, du
dessin, etc. devraient s'interroger sur le paradigme de la désindustrialisation
fatale qui ne rendrait plus nécessaire de connaitre les technologies
pour les employer efficacement.
Mais
où sont donc ces usines où sans connaître les technologies,
sans savoir comment les équipements fonctionnent et sans personnel,
il serait possible de produire efficacement et de maintenir les installations
en bon état de marche ? Quant aux sauts technologiques, ils découlent
en grande partie de l'analyse des procédés existants,
de la connaissance intime des matériaux, de la recherche appliquée
et de la liberté de remettre en cause les conservatismes. Affirmer
que le modèle économique précède le modèle
technologique est tout simplement faux.
Il
faut promouvoir l'enseignement technologique parce qu'il est l'essence
du maintien en état des patrimoines. C'est grâce à
la technologie, aux ouvriers et aux techniciens que les ingénieurs
peuvent matérialiser leurs innovations. Si le métro automatique
transporte les passagers sans conducteur, sa maintenance exige des ouvriers,
des techniciens et des ingénieurs parfaitement au fait des technologies
et de leurs modes de remise en état. Comme l'exigera demain celle
des véhicules sans conducteur qui circuleront sur les routes.
Sans une filière de formation depuis le collège, dédiée
aux métiers de la maintenance, fondée sur l'utilisation
des machines, des technologies et des procédés, l'avenir
des objets connectés ne sera pas aussi radieux que Google nous
l'annonce.
La
formation technologique conditionnera toujours l'avenir des patrimoines
et la maintenance demeura encore longtemps l'activité humaine
dont les robots ne pourront jamais se passer.
Claude
Pichot
PS
: Si vous trouvez que la maintenance coûte cher, essayez les pannes.Et
si cela ne vous suffit pas, essayez aussi les accidents!